Lecture : Nombres 22 :
1 Les enfants d'Israël partirent, et ils campèrent dans les
plaines de Moab, au-delà du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho.
2 Balak,
fils de Tsippor, vit tout ce qu'Israël avait fait aux Amoréens.
3 Et Moab
fut très effrayé en face d'un peuple aussi nombreux, il fut saisi de terreur en
face des enfants d'Israël.
4 Moab dit
aux anciens de Madian : Cette multitude va dévorer tout ce qui nous entoure,
comme le bœuf broute la verdure des champs. Balak, fils de Tsippor,
était alors roi de Moab.
5 Il envoya des messagers auprès de Balaam, fils de Beor, à
Pethor sur le fleuve, dans le pays des fils de son peuple, afin de l'appeler et
de lui dire : Voici, un peuple est sorti d'Egypte, il couvre la surface de la
terre et il habite vis-à-vis de moi.
6 Viens, je te prie, maudis-moi ce peuple, car il est plus
puissant que moi ; peut-être ainsi pourrai-je le battre et le chasserai-je du pays,
car je sais que celui que tu bénis est béni, et que celui que tu maudis est
maudit.
7 Les anciens de Moab et les anciens de Madian partirent,
ayant avec eux des présents pour le devin. Ils arrivèrent auprès de Balaam et
lui rapportèrent les paroles de Balak.
8 Balaam leur dit : Passez ici la nuit, et je vous donnerai
réponse, d'après ce que l'Eternel me dira. Et les chefs de Moab restèrent chez
Balaam.
9 Dieu vint à Balaam et dit : Qui sont ces hommes que tu as
chez toi ?
10 Balaam répondit à Dieu : Balak, fils de Tsippor, roi de
Moab, les a envoyés pour me dire :
11 Voici, un peuple est sorti d'Egypte, et il couvre la
surface de la terre ; viens donc, maudis-le ; peut-être ainsi pourrai-je le
combattre et le chasserai-je.
12 Dieu dit à Balaam : Tu n'iras point avec eux ; tu ne
maudiras point ce peuple, car il est béni.
13 Balaam se leva le matin, et il dit aux chefs de Balak :
Allez dans votre pays, car l'Eternel refuse de me laisser aller avec vous.
14 Et les princes de Moab se levèrent, retournèrent auprès
de Balak, et dirent : Balaam a refusé de venir avec nous.
15 Balak envoya de nouveau des chefs en plus grand nombre et
plus considérés que les précédents.
16 Ils arrivèrent auprès de Balaam et lui dirent : Ainsi
parle Balak, fils de Tsippor : Que l'on ne t'empêche donc pas de venir vers moi
;
17 car je te rendrai beaucoup d'honneurs et je ferai tout ce
que tu me diras ; viens, je te prie, maudis-moi ce peuple.
18 Balaam répondit et dit aux serviteurs de Balak : Quand
Balak me donnerait sa maison pleine d'argent et d'or, je ne pourrais faire
aucune chose, ni petite ni grande, contre l'ordre de l'Eternel, mon Dieu.
19 Maintenant, je vous prie, restez ici cette nuit, et je
saurai ce que l'Eternel me dira encore.
20 Dieu vint à Balaam pendant la nuit et lui dit : Puisque
ces hommes sont venus pour t'appeler, lève-toi, va avec eux ; mais tu feras ce
que je te dirai.
21 Balaam se leva le matin, sella son ânesse et partit avec
les chefs de Moab.
22 La colère de Dieu s'enflamma parce qu'il était parti ; et
l'ange de l'Eternel se plaça sur le chemin pour lui résister. Balaam était
monté sur son ânesse, et ses deux serviteurs étaient avec lui.
23 L'ânesse vit l'ange de l'Eternel qui se tenait sur le
chemin, son épée nue dans la main ; elle se détourna du chemin et alla dans les
champs. Balaam frappa l'ânesse pour la ramener dans le chemin.
24 L'ange de l'Eternel se plaça dans un sentier entre les
vignes ; il y avait un mur de chaque côté.
25 L'ânesse vit l'ange de l'Eternel ; elle se serra contre
le mur et pressa le pied de Balaam contre le mur. Balaam la frappa de nouveau.
26 L'ange de l'Eternel passa plus loin et se plaça dans un
lieu où il n'y avait point d'espace pour se détourner à droite ou à gauche.
27 L'ânesse vit l'ange de l'Eternel et elle s'abattit sous
Balaam. La colère de Balaam s'enflamma, et il frappa l'ânesse avec un bâton.
28 L'Eternel ouvrit la bouche de l'ânesse et elle dit à
Balaam : Que t'ai-je fait, pour que tu m'aies frappée déjà trois fois ?
29 Balaam répondit à l'ânesse : C'est parce que tu t'es
moquée de moi ; si j'avais une épée dans la main, je te tuerais à l'instant.
30 L'ânesse dit à Balaam : Ne suis-je pas ton ânesse, que tu
as de tout temps montée jusqu'à ce jour ? Ai-je l'habitude de te faire ainsi ?
Et il répondit : Non.
31 L'Eternel ouvrit les yeux de Balaam, et Balaam vit l'ange
de l'Eternel qui se tenait sur le chemin, son épée nue dans la main ; et il
s'inclina et se prosterna sur son visage.
32 L'ange de l'Eternel lui dit : Pourquoi as-tu frappé ton
ânesse déjà trois fois ? Voici, je suis sorti pour te résister, car c'est un
chemin de perdition qui est devant moi.
33 L'ânesse m'a vu et elle s'est détournée devant moi déjà
trois fois ; si elle ne se fût pas détournée de moi, je t'aurais même tué et je
lui aurais laissé la vie.
Voilà un texte que la Société Protectrice des Animaux
approuverait !
Dans le livre des Proverbes, on trouve des phrases
percutantes comme celle qui dit au chapitre quatorze, verset 12 : "Telle
voie paraît droite à un homme mais son issue c'est la mort". Jésus-Christ, dans ce qu'il est
convenu d'appeler le sermon sur la montagne, a dit ces paroles bien connues :
"Large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et
il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte,
resserré le chemin qui mène à la vie, et il y en a peu qui les trouvent". (Matt.7 : 13,14)
Le point de
vue des hommes sur le chemin large
L'expérience
nous a appris que les choses et les gens ne sont pas toujours ce qu'ils
paraissent être. La première opinion qu'on a de quelqu'un, se modifie souvent à
mesure que l'on fait plus ample connaissance avec lui. Certains gagnent à être
connus ; d'autres y perdent. Les couleurs aussi nous apparaissent différentes,
selon qu'on les regarde en plein soleil, ou le matin, ou au crépuscule. Ne
dit-on pas que la nuit tous les chats sont gris ? La vie aussi prend des
tonalités différentes selon qu'on l'envisage avec ou sans Dieu. Le Seigneur
nous a parlé de la vie comme de deux chemins possibles. Et il nous parle d'abord du chemin spacieux.
Beaucoup
disent : "Le voilà le chemin ! Ça c'est le bon, c'est celui qui nous
convient". Pourquoi ? Justement parce qu'il est large, il est spacieux, on
y a les coudées franches. On n'y est pas étriqué par des scrupules. Sur ce
chemin-là, on n'est pas talonné par une conscience sensible. Et puis, parce
qu'il est ample comme un manteau raglan, il peut prendre de l'extension et
pousser très loin des rameaux que l'honnêteté n'étouffe pas. Il offre beaucoup
de possibilités, surtout si elles sont douteuses. On n'est pas tenu de garder
une ligne droite ; on peut louvoyer, zigzaguer tout à son aise ; on peut avoir
une conduite, un langage dégagés de contrainte ; on peut pavaner, fanfaronner,
épater le voisin, éclabousser la voisine. Quel chemin plaisant que celui
là !
Malgré la foule qui l'emprunte, il reste de l'espace vital !
Il n'a pas la rigidité, l'austérité de l'autre, le petit chemin. Cyrano de
Bergerac aurait dit : "On y est plus à l'aise", mais il avait la
sagesse d'ajouter "mais de moins haute mine !" Et puis ce chemin large, il a un avantage,
c'est qu'il est sans passé et sans avenir ! S'il a un passé, c'est celui
d'hier, tout au plus d'avant-hier. Et s'il a un avenir, c'est celui de demain
ou d'après-demain, en tout cas pas beaucoup plus. Sur les panneaux
publicitaires qui le bordent, il n'y a pas de place pour le mot
"Eternité". Non, il n'y a de la place que pour le présent. C'est la conjugaison favorite : Le
présent de l'indicatif. Et entre son point de départ et son point d'arrivée, il
n'y a que le moment présent qui compte. Et pour l'acheter, ce moment-là,
certains sont prêt à payer le prix effroyablement long de l'éternité.
Quand
j'étais jeune, il y avait deux chansons en vogue, deux rengaines. La première
disait : "On n'est pas ici-bas pour du faire du tracas, on n'est pas par
ici pour se faire du souci ; amusons-nous comme des fous, la vie est si courte
après tout !" La deuxième était : "On n'a pas tous les jours vingt
ans, ça n'arrive qu'une fois seulement". Ces deux inepties avaient
au moins le mérite de nous montrer que l'homme a le souci de son insouciance.
Et Dieu soit béni de ce qu'il a mis dans notre cœur le souci de la fuite du
temps que la Bible appelle "la pensée de l'éternité". Ce qui veut
dire qu'il restera pour l'homme engagé à corps perdu sur la route large de la
perdition, une possibilité de réflexion, donc une possibilité de salut.
Nous venons
de voir comment les hommes voient le chemin large : Il est très agréable, il
est à leur convenance et il leur va comme un gant.
Le point de vue de Dieu
Maintenant
on va voir ce chemin large comme Dieu le voit, parce qu'après tout, ce qui
compte, c'est l'opinion de Dieu. Et si Dieu avait raison ?
Si nous
voulons avoir, j'y reviens, une idée des couleurs, il faut nécessairement les
voir au grand jour. Or, Dieu est lumière ; Jésus l'a dit aussi : "Je suis
la lumière du monde". Etant la lumière, c'est lui qui va nous montrer la
véritable étroitesse du chemin large.
C'est le
prophète Balaam qui va nous faire voir que le chemin spacieux qui conduit à la
perdition, ce n'est pas seulement le chemin des Athées, des impies, des
marginaux, des casseurs, des punks et des skinheads. Non, l'autoroute de la
perdition ce n'est pas seulement celle des indifférents, des mondains, des
assassins, des violeurs et des pédophiles. Le chemin large, c'est aussi celui
de l'ecclésiastique qu'était Balaam.
Eh oui, on
peut porter un col romain, des vêtements sacerdotaux, se faire appeler
"Monsignor" et être sur le chemin large qui conduit à la perdition. Ou
se dire au service de Dieu, ou plutôt le prétendre, et être sur la mauvaise
voie car on peut se servir soi-même tout en prétextant servir Dieu. On peut marcher sur la route large
en empruntant les allures de ceux qui marchent sur le chemin étroit. C'était
le cas de Balaam.
Si vous lisez les chapitres qui le concernent, vous ne
trouverez rien dans ses paroles, dans ce qu'il affirme, j'allais dire dans sa
doctrine, rien qui trahisse une quelconque hérésie. Quand il parle de Dieu, il
ne parle pas de n'importe quel dieu des nations païennes ; il parle de
l'Eternel. Il n'est pas l'homme des Baals et des Astartés de son temps, ni
l'homme des Sainte Rita, Sainte Philomène, Saint Antoine et j'en passe. Il
n'était pas l'homme des chapelets et des attirails de piété, pas du tout ! Non,
Balaam c'était un homme que je situerais plutôt comme un héritier de la
Réforme. Tout est correct à l'extérieur, même au niveau de son langage, mais il
est néanmoins sur le chemin large. Jésus nous a parlé des pharisiens : Ils
avaient de beaux vêtements avec des franges ; quand ils marchaient dans la rue
ils marmonnaient des semblants de prières pour qu'on les voie prier ; ils avaient
de l'extérieur, ça oui, mais Jésus nous a montré qu'ils étaient sur le chemin
large de l'hypocrisie. Il y en
a beaucoup qui sont comme ça. Tous les dimanches matin ils fréquentent les
offices, mais il vaut mieux ne pas savoir où ils sont le samedi soir !
Balaam,
c'est le genre d'homme à qui on donnerait, comme on dit, "le bon Dieu sans
confession". Balaam est un personnage trouble. Il est dans l'Ancien
Testament ce que Judas est dans le Nouveau Testament ; avec la différence que
pour Judas il suffit de quelques lignes pour être au clair sur sa personnalité,
tandis que pour Balaam, il faut plusieurs chapitres et même le commentaire de
Pierre dans le Nouveau Testament, pour découvrir ce qu'il y a de double et de
trouble en lui. Je vais reprendre cette histoire et vous camper le
personnage.
Un peu d'histoire
Le peuple d'Israël, composé d'un peu moins de deux millions
de personnes, sort de l'Egypte et, après presque quarante ans de voyages dans
le désert, arrive à la frontière de la Terre Promise. A l'Est du Jourdain, sur
ce qui est la Jordanie d'aujourd'hui, habite le peuple de Moab dont le roi,
Balak, connaît l'histoire d'Israël dont la sortie d'Egypte et la traversée de
la Mer Rouge a fait le tour du monde. Il a vu ses voisins, les puissants rois des
Amoréens battus par Israël et il se dit : "Si cette nation qui dévore tout
ce qui nous entoure comme un bœuf broute la verdure des champs, arrive
jusqu'ici, je suis perdu" (Nombres 22 : 4). Il se souvient alors que
là-bas, du coté du fleuve l'Euphrate, vit un homme de renom, à la fois devin,
voyant, prophète, un mélange des trois. Ce n'est pas très clair mais il a ceci
de particulier, c'est qu'il a le langage du peuple de Dieu, il connaît
l'Eternel et, à ce qu'il paraît, ses incantations sont efficaces et ce qu'il
bénit est béni et ce qu'il maudit est maudit. C'était l'homme providentiel et
le roi Balak envoie ses plus hauts dignitaires vers Balaam ; ils lui offrent un
pont d'or pour venir maudire ce peuple qu'il pourra alors combattre et battre.
Mais voilà que, contre toute attente, Balaam joue les
dédaigneux. Il fait semblant
de dédaigner l'offre et lui oppose un premier refus de pure forme. Balak
revient à la charge une deuxième fois et double la prime, ce à quoi Balaam
répond en prenant des airs de Sainte-Nitouche. Tel un caméléon, il a ses yeux
montés sur rotules, et tandis que d'un œil il regarde en Haut avec de faux airs
de sainteté, une lumière de cupidité s'allume dans l'autre qui lorgne en bas
vers les pièces d'or et il répond : "Quand le roi me donnerait sa maison
pleine d'argent et d'or, je ne pourrais faire aucune chose, ni petite ni
grande, contre l'ordre de l'Eternel, mon Dieu". Quel comédien !
Balaam va
consulter Dieu et au verset 20, Dieu lui dit : "Va avec ces hommes" ;
et il part avec eux. Au verset 22 on lit avec étonnement que la colère de
l'Eternel s'enflamma contre lui parce qu'il était parti ! On pourrait se dire :
Quelle est cette histoire, où Dieu lui dit d'aller et, quand il y va, il se
fâche contre lui. Dieu ne lui avait-il pas donné la permission de partir
? Eh bien, non. Car Dieu,
comme c'est écrit ailleurs, ne regarde pas aux apparences, il regarde au cœur.
Et c'est dans son cœur qu'il voit son empressement à aller après la fortune, au
point de mal interpréter et de déformer la pensée de Dieu qu'il était chargé de
communiquer. Balaam a cru qu'il allait pouvoir maudire le peuple contre des
espèces sonnantes et trébuchantes. Son chemin était aussi large que son amour
de l'argent était grand ; et comme il aimait beaucoup l'argent, son chemin
devait être aussi vaste qu'une piste d'envol pour Airbus !
Châteaux en
Espagne
Alors il
s'en va, il soliloque en son for intérieur, (c'est moi qui le dis mais je m'en
porte garant) : "Maintenant on va voir ce qu'on va voir. Finie la
vie médiocre du petit prophète de campagne. On va avoir de l'argent, de l'or,
on va être riche, on va vivre à l'aise, à nous la grande vie". Et il a déjà fait ses plans, il y a
trop pensé pour ne pas avoir les avoir faits. Il sait déjà ce qu'il va faire
avec cet argent, il va commencer par remplacer son vieux baudet asthmatique
contre un équipage de pur-sang, il va rouler en carrosse. Et il se dit :
"C'est mon dernier voyage sur âne". Et le malheureux ne se rend pas
compte que ça risque d'être son dernier voyage tout court. Avec une souplesse
qu'il ne se connaissait pas, il bondit sur son âne avec l'agilité d'un cow-boy
de rodéo : "Allez, hue, Martin !" (Parce que chez nous, tous les ânes
s'appellent Martin). Mais ici comme c'est une ânesse, nous l'appellerons
Martine !… J'espère n'offenser aucune lectrice qui porterait ce nom,
(Honni soit qui mal y pense) je ne pense qu'à l'ânesse. Et les voilà partis, l'un juché sur l'autre ;
étrange combinaison d'animal et d'humain dans laquelle l'animal… c'est Balaam.
Mais voyez-vous, tout ne tourne pas toujours rond sur le chemin large de la
désobéissance, surtout quand Dieu s'en mêle. Et tandis que notre Balaam suppute
ce qu'il va faire avec cette fortune, il fait ce que notre bon La Fontaine a
appelé "des châteaux en Espagne !" Au pas lent de l'âne, il rêve… Je
ne sais pas s'il connaissait la fable : "La laitière et le pot au
lait". Je l'ai apprise par cœur autrefois et je vais vous le réciter en y
apportant des modifications de circonstance :
Balaam
prétendait arriver sans encombre à la ville,
Ayant mis
ce jour là pour être plus agile,
Pantalon
simple et souliers plats.
Notre
prophète ainsi troussé
Comptait
déjà dans sa pensée
Tout le
prix de son forfait, en employait l'argent ;
Achetait un
cent d'œufs, faisait triple couvée :
La chose
allait à bien par son soin diligent.
Il m'est,
disait-il, facile
D'élever des poulets autour de ma maison ;
Le renard sera bien agile,
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ;
Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable,
J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en mon étable
Pouliches et poulains
Que je verrai sauter au milieu de mes biens.
Balaam, là dessus saute aussi, transporté….
Holà, mais il saute vraiment ! C'est-à-dire que l'ânesse fait un bond dans le
champ parce qu'elle a vu le danger ! Par un sens mystérieux que Dieu lui
donne, l'âne voit un personnage céleste, l'ange de l'Eternel une épée nue à la
main. L'âne fait donc un écart dans le champ, ce qui déplaît à Balaam qui ne
l'entend pas de cette oreille (il les a d'ailleurs plus longues que celles de
son âne !) Et le voilà qu'il
crie (encore La Fontaine) : "Haro sur le baudet !"
Arrêt sur
image
Nous allons
nous arrêter un instant sur ce point. Balaam a bien mal jugé son âne ;
pourquoi ? Parce qu'il ne sait pas, parce qu'il ne voit pas ! Deux fois en
parlant de lui-même il dit : "L'homme qui a les yeux ouverts !" Etrangement ouverts pour quelqu'un
qui ne voit pas. L'âne voit mais lui, le voyant, ne voit pas ! Et cela explique
l'incompréhension dont est l'objet le porteur de l'évangile aujourd'hui. Le
messager de Dieu sait et voit des choses que les autres ne voient pas. Et si
aujourd'hui on ne reçoit plus des coups de triques, si on n'est plus persécuté
comme autrefois, on reçoit quand même des quolibets : "Monsieur
l'écrivaillon, vous nous racontez des âneries !" "Soit, je
veux bien être un âne, pour qui serait un Balaam. Permettez que je déraille et
que je vous sauve la vie".
L'apôtre Paul n'a pas dit autre chose : "Si notre
prédication est une folie, elle est une folie pour ceux qui … périssent".
En choisissant ce récit, je peux paraître avoir quitté le chemin de la sagesse
et de la raison, mais si je l'ai fait c'est parce que moi aussi j'ai vu le
danger, parce que je lis la Bible et que la Bible c'est la Parole de Dieu. Et
j'y vois un Dieu irrité, un Dieu qui heureusement temporise, qui se refuse à
l'irrémédiable, qui ne veut pas la mort du pécheur mais sa repentance, sa
conversion et son salut, mais un Dieu dont la patience envers ce monde arrive à
son terme et qui va passer à l'action.
Mais revenons à Balaam. Il est trop absorbé par ce qu'il
recherche, pour voir dans ce premier contretemps un avertissement du ciel ;
alors il bat son ânesse. Nous aussi nous sommes souvent trop enclins à blâmer
les autres, à les rendre responsables de nos contretemps et de nos sautes de
mauvaise humeur. "C'est la faute à Rousseau", dit la chanson. C'est
ce qui se passe ici. L'ânesse n'y est pour rien, c'est lui le fautif mais c'est
son âne qu'il bat. Jérémie disait déjà dans son livre des Lamentations :
"Pourquoi l'homme se plaindrait-il ? Que chacun se plaigne de ses propres
péchés". (Lamentations 3 : 39).
Aveuglement
Mais voyez-vous, Balaam ne comprend pas. Il est sur le
chemin de la perdition, mais il n'en voit pas le danger ; il est décidé à tout
braver pour avoir ce qu'il veut et il fonce aveuglément. Alors l'ange de
l'Eternel Dieu va se poster dans un autre endroit où le chemin se rétrécit. Et nous y arrivons tout doucement à
la véritable étroitesse du chemin large ! La pauvre bête, voyant le chemin si
étroit et l'ange de l'Eternel l'épée à la main, se serre de côté et Balaam
s'érafle douloureusement la cheville contre le muret de pierres. Ce qui
vaut à la pauvre bête une deuxième volée de coups de bâtons mieux appliqués que
les premiers.
Quitte à me faire écharper à la fin du livre, laissez-moi
vous dire que vous aussi, vous allez vous faire coincer. La Bible dit :
"Sache que ton péché te trouvera". Nos péchés, ne l'oublions pas,
sont quelque part ; ou ils sont sur notre tête, ou ils sont sur la tête de
Jésus-Christ, c'est l'un ou c'est l'autre. Malheur à nous s'ils sont encore sur
notre tête, s'ils n'ont pas été lavés, nettoyés, pardonnés.
Le chemin se rétrécit une première fois, une deuxième fois,
mais pour Balaam ça ne suffira pas encore ; il va donc se rétrécir encore une
fois et l'ange de l'Eternel ira se placer dans un endroit où il n'y a plus
moyen d'aller, ni à gauche, ni à droite. Alors la pauvre bête s'affale, elle
s'écroule et elle reçoit une autre volée de coups de trique mieux appliqués que
les premiers. Et lui, le voyant, qui dit avoir les yeux ouverts et qui a dans
la bouche les paroles du Seigneur, ne voit pas encore clair.
Nous dirions aujourd'hui, lui qui ne rate pas un culte, qui
ne saute jamais un dimanche, qui est fidèle aux offices, qui vient de s'acheter
la dernière version de la Bible, qui ne va jamais se coucher le soir sans
réciter le "Notre Père", il est à deux doigts de sa perte et il ne le
voit pas. Et il menace une pauvre bête de somme qui vient de lui sauver la vie.
Il la menace en ces mots : "Si, au lieu d'un bâton, j'avais une épée, je
te tuerais", et il l'aurait fait ! Mais on s'aperçoit que ce n'est plus seulement son pied qui est coincé,
c'est lui tout entier. Voilà où l'a conduit le chemin large : Dans une impasse,
dans une voie sans issue. Il a atteint le point critique que tout homme va
rencontrer tôt ou tard dans sa vie. On est ici dans un suspense à la Hitchcock.
L'étau se resserre, le drame va se dénouer et il va en sortir un saint
ou un damné.
Le livre de Job chap. 33 : 14 à 29 dit que "Dieu parle
tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, deux fois, trois fois". Cela se
vérifie ici et chaque fois le chemin se rétrécit ; chaque fois Dieu parle un
peu plus fort mais ce n'est pas assez "pour arrêter la démence du
prophète" (2 Pierre 2 : 16). Alors Dieu va faire un miracle : Il délie la
gorge de l'ânesse qui se met à parler d'une voix d'homme.
Halte-là !
Oui,
"halte-là ! Me direz-vous. Par politesse pour celui qui m'a prêté
votre petit livre, je le lirai jusqu'au bout, mais de grâce, arrêtez de citer
la Bible, je vous en prie, c'est plus un recueil de fables que la Parole de
Dieu !"
Un jour, un incrédule à ironiquement posé la question à un
ami chrétien : Une ânesse qui parle d'une voix d'homme, vous y croyez, vous, à
cette histoire ! Il y a deux réponses à cette interrogation, l'une humoristique
et l'autre plus sérieuse. La
première est : "Dans un monde où la plupart des hommes parlent comme des
ânes, pourquoi un âne ne parlerait-il pas comme un homme ?" L'autre
est celle que je retiens : "Chargez-vous de faire une ânesse, moi je me
charge de la faire parler !" Car le Dieu qui a fait l'ânesse est aussi
capable de la faire parler.
Mais là encore le miracle n'aboutira pas. Notre
ecclésiastique de Balaam va avoir une conversation avec l'âne, et il ne va même
pas comprendre toute la signification de la chose ! Il lui faudra une
révélation personnelle, il faudra que Dieu lui ouvre les yeux pour qu'il voie,
et qu'il lui débouche ses oreilles pour qu'il entende l'avertissement :
"Tu es sur un chemin de perdition". Voilà le chemin large !
Cœur à cœur
Parlons
maintenant un peu plus cœur à cœur. N'avez-vous jamais eu l'impression que
votre vie était sans issue, qu'elle se rétrécissait au point de vous retrouver
tout seul au milieu d'une foule. Et même dans une discothèque avec une jolie
fille qui ondule avec vous au milieu des décibels et des spots lumineux, ne vous
est-il jamais arrivé de vous dire : "Qu'est ce que je fais ici ?" Ou
"Je ne peux pas continuer comme ça ! Quelqu'un, au bord de la révolte dira
: "Ce n'est plus possible, plus rien ne tourne rond, Dieu m'en veut
!"
Eh ! bien oui, Dieu vous en veut… ou plutôt Il vous veut.
C'est ça le langage de Dieu, Dieu vous veut. Et ce que Dieu voudrait que vous
saisissiez, c'est que si vous n'êtes pas sur le chemin étroit qui conduit à la
vie, alors vous marchez forcément sur le chemin large qui mène à la perdition ;
il n'y a pas de chemin intermédiaire, pas d'autre alternative. Si donc vous
êtes encore sur ce chemin-là, Dieu aimerait que vous compreniez que c'est un
chemin glissant, que malgré ses apparences il est étroit, que malgré la foule
qui l'emprunte on s'y sent très seul, et que son aboutissement c'est la mort et
pas la mort du cimetière, mais l'autre, la plus grave, celle de la séparation
éternelle d'avec Dieu. Jésus
l'a dit et ce qui suit va le prouver.
Un point de
doctrine
Jésus-Christ
est, dans sa personne et dans sa vie, l'explication de sa doctrine. Sa vie va
nous confirmer son enseignement, selon lequel le chemin spacieux se termine
dans la perdition. Le Seigneur est venu de la part de son Père, il a vécu en
communion parfaite avec Dieu, il a marché sur le chemin étroit de l'obéissance.
Le ciel s'est ouvert au-dessus de lui et une parole s'est faite entendre :
"Celui–ci est mon Fils bien aimé dans lequel j'ai trouvé tout mon
plaisir". Et cela a duré jusqu'au jour où il s'est offert à porter
les conséquences de nos inconséquences. Il a pris à son compte notre façon de
vivre, notre largeur de vie. Il s'en est chargé au point que la Bible dit :
"L'Eternel a mis sur lui les péchés de nous tous". Nos largesses
coupables ont été mises sur lui. Et la fin de Jésus-Christ explique ce que
devait être notre fin : Regardez le récit de la Passion, c'est-à-dire la fin de
sa vie. Combien le chemin
devenait étroit pour le Seigneur ! Comme pour Balaam, pour vous et pour moi, il
prenait le chemin, il ne pouvait plus aller, ni à gauche, ni à droite. Suivez-le
dans le jardin de Gethsémané. C'est la nuit, il est à genoux et devant lui
passe une coupe de jugement remplie de toutes les latitudes morales que nous
sommes permises et qui méritent la condamnation. C'est là qu'il s'est écrié :
"Père s'il est possible que cette coupe passe loin de moi …" Mais ce n'était pas possible. S'il
voulait qu'elle ne nous soit pas tendue, cette coupe, il devait la prendre.
Il commençait à être à l'étroit, a être de plus en plus
seul. Quand les soldats sont
arrivés, ses disciples se sont égaillés comme une volée de moineaux quand on
tape un coup dans les mains, et il est resté tout seul, si seul ! Au
tribunal il était encore plus seul ; il n'y avait plus de place pour personne à
côté de lui. Oh il y avait
bien Jean, mais il suivait de loin ! Il y avait bien Pierre, mais Pierre se
chauffait au brasier des soldats. Il était de plus en plus seul. Puis il a été
crucifié et on peut dire que là, coincé, rivé sur une croix, il n'y avait plus
de place pour personne… même plus pour Dieu ! Car en plein midi, une nuit
contre nature a envahi le monde, ça voulait dire que le Dieu-lumière aussi
était parti parce Dieu ne peut pas voir le mal sans le punir. Et parce
que "Le salaire du péché, c'est la mort " et qu'il prenait à son
compte ce que nous étions, il a payé de sa vie le prix de notre condamnation :
La mort ! Et là, dans cette horrible nuit, il a poussé ce cri terrible :
"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" C'était sans issue. Et pour bien prouver que
l'issue de ce chemin-là c'était la condamnation et la mort, il est mort
condamné. Le chemin large finit toujours dans le cul-de-sac de la perdition…
toujours !
Mais ce n'est pas là, la seule révélation de la Bible. Si le
chemin large, comme nous l'avons vu dans la vie du Seigneur, n'a pu que se
terminer à la croix, notre chemin large à nous peut se terminer aussi à la
croix. C'est-à-dire que pour celui qui vient à la croix de Jésus-Christ,
autrement dit à la conversion, c'est aussi la mise à mort d'un genre de vie et
surtout le début d'une autre. Si donc vous êtes encore sur le chemin large,
apportez-lui cette vie qui n'a d'autre avenir que l'étang de feu et le Seigneur
vous conduira à la bifurcation du salut, sur un autre chemin, qualifié
d'étriqué par les hommes, mais merveilleusement large. Ce nouveau chemin a une
dimension secrète dont parle l'épître aux Ephésiens : Largeur, longueur,
profondeur, hauteur, c'est-à-dire qu'il a toute l'étendue cachée de Sa
résurrection, et son aboutissement c'est la Vie Eternelle.
Mais n'anticipons pas… Puisque le chemin large qui conduit à
la perdition se termine à la croix, et que le chemin étroit qui conduit à la
vie éternelle commence à la croix, c'est au rendez-vous de la croix que je vous
invite. Et je termine par cette pensée : "Tout ce que dans votre vie vous
vous voudriez défaire, tout ce que vous voudriez n'avoir jamais fait, tout est
là, écrit en lettre de feu et de sang dans la croix de Jésus-Christ. Mais tout
ce que vous voudriez refaire, recommencer, rebâtir, tout renouveau de vie est
aussi inscrit à la croix de Jésus-Christ.
C'est
pourquoi je vous invite à vous tourner vers Lui. Et si quelque part dans mon
message, peut-être dans mes âneries, vous vous êtes reconnu sur le chemin
large, alors arrêtez-vous, il en est encore temps.
Balaam, malheureusement pour lui, ne s'est pas détourné de
ce chemin-là, et ça a été terrible (voir Nombres 31 : 8). L'apôtre Pierre a
qualifié sa vie par une expression extrêmement forte : "Une ânesse muette
parlant d'une voix d'homme arrêta la démence du prophète". Si vous n'avez
pas fait la paix avec Dieu, si vous n'êtes pas sûr d'être sauvé, si vous n'êtes
pas en route pour le ciel, par la grâce de Dieu soyez-le aujourd'hui. Faites la
paix avec lui, mettez-vous en règle, dites-lui : "Seigneur, je suis sur un
chemin de perdition, je le sais et je t'en demande pardon. Je crois que tu as
tout fait pour me sauver et que tu me donnes la vie éternelle gratuitement. Je me confie en toi en cet instant
et je repars d'un nouveau pas avec toi".
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