VICTOR HUGO

Ce siècle avait deux ans! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l`empereur brisait le masque étroit.
Alors, dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l`air qui vole,
Naquit d`un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu`il fût, ainsi qu`une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n`avait pas même un lendemain à vivre,
C`est moi.

Ainsi se définit, dans un de ses très beaux poèmes tiré des Feuilles d`Automne, celui qui occupe une place exceptionnelle dans l`histoire des lettres françaises : Victor Hugo ; celui qui domine le XIX siècle para la durée de sa vie et de sa carrière, para la fécondité de son génie et la diversité de son œuvre.
Poésie lyrique, satirique, épique, drames en vers et en prose, romans : Victor Hugo aura contribué à développer tous les genres littéraires. Dans un autre de ses poèmes, Victor Hugo dira :
J`eus dans ma blonde enfance, hélas !
trop éphémère,
Trois maîtres : un jardin, un vieux prêtre et ma mère.
Le jardin était grand, profond, mystérieux,
Fermé para de hauts murs aux regards curieux,
Semé de fleurs s`ouvrant ainsi que des paupières,
Et d`insectes vermeils qui couraient sur les pierres,
Plein de bourdonnements et de confuses voix :
Au milieu, presque un champ, dans le fond,
presque un bois.
Le prêtre tout nourri de Tacite et d`Homère,
Etait un doux vieillard. Ma mère – était ma mère !
Cette existence mouvementée, passionnée, extraordinaire que Victor Hugo commença en 1802 le 26 février, il ne la terminera que le 22 mai 1885 après avoir goûté une heureuse vieillesse et parlé maintes fois de l`art d`être grand-père. Ses funérailles seront nationales et prendront l`aspect d`une célébration gigantesque ; elles paraissent être, en même temps, celles du romantisme et du siècle entier.
On appellera Victor Hugo le « rêveur sacré ». en 1840, dans Les rayons et les ombres, Victor Hugo écrira : « Peuples écoutez le poète, écoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, lui seul a le front éclairé. » A cette époque, Victor Hugo a trente-huit ans : il est alors le jeune chef de l`école romantique française. Il y définit le mode lyrique, la vocation du poète : témoin de la vérité, voyant de l`avenir, confident de Dieu, lumière de l`humanité.
Victor Hugo, durant plus de soixante ans, sera présent sur plusieurs fronts dans son pays. Non pas tour à tour mais en même temps, il sera poète, romancier, polémiste, pair de France et sénateur. Par surcroît, à ses heures de loisirs, il sera dessinateur brillant et grand voyageur épris d`art et d`archéologie. Fils d`un officier républicain et d`une jeune bourgeoise royaliste, Victor Hugo manifestera très jeune son goût pour les lettres et ses dons pour l`art des vers. C`est lui qui, à quatorze ans, décidera : « je veux être Chateaubriand ou rien. » A quinze ans, il est lauréat de l`Académie française et, à dix-sept ans, il reçoit le Lys d`or de l`Académie des Jeux floraux de Toulouse pour son poème sur le rétablissement de la statue d`Henri IV.
Victor Hugo écrira bien des vers extraordinaires et étonnants. Je pense à ceux-ci, intitulés « Écrits au bas d`un crucifix » :
Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure,
Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit,
Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit,
Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.
Comme tout homme, Victor Hugo connaîtra des moments douloureux dans sa vie, comme la mort de Léopoldine, sa fille, mort qui affectera profondément Victor Hugo. Il doute un peu de sa mission et connaît la tentation de la révolte et du blasphème. Puis vient l`exil, et le poète connaît, après le sursaut de fureur qui lui a dicté les Châtiments, un redoublement de détresse. Mais finalement il remportera la victoire et cette expérience de la douleur le fait communier avec tous ceux qui souffrent.
J`aimerais m`arrêter sur le très beau poème intitulé « La Conscience » extrait d`une œuvre importante, « La Légende des siècles ». Dans ce poème, Victor Hugo s`inspire de la Bible, comme il le fera d`ailleurs souvent tout au long de sa vie. Il fait ici allusion à Caïn qui, après avoir tué son frère Abel, s`enfuit devant Yaveh et ne trouve plus la paix. Sa conscience l`accable toujours à nouveau… Lorsqu`il lève la tête, il voit tour au fond du ciel un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres, qui le regarde dans l`ombre, fixement. Cet œil, c`est Dieu. Et Caïn, qui a ce lourd péché sur la conscience, essayera de s`enfuir loin de Dieu. Caïn, à l`image de beaucoup d`hommes modernes, peut-être à votre image, essayera de trouver la paix, mais en vain. Finalement, après avoir tout essaye, il fait construire une ville, une ville immense :
« Ils donnèrent aux murs l`épaisseur des montagnes ;
Sur la porte, on grava : « Défense à Dieu d`entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l`aïeul au centre, en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard : « oh ! Mon père !
L`œil a-t-il disparu ? » die en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : « Non ! il est toujours là. »
Alors il dit : « Je veux habiter sous la terre,
Comme dans son sépulcre, un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse et Caïn dit : « C`est bien !
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l`ombre
Et qu`on eut sur son front fermé le souterrain,
L`œil était dans la tombe et regardait Caïn. »
Je crois que Victor Hugo, avant la lettre, a expérimenté et décrit de façon extraordinaire ce que les psychiatres modernes ont redécouvert et appelé plus communément le complexe de culpabilité : l`homme qui essaie vainement d`oublier, d`effacer son péché. Le grand psychiatre Jung dira : « Il n`y a aucune faute morale commise qui ne se venge un jour ou l`autre. » et combien sont malades, combien n`arrivent plus à vivre parce qu`ils ne peuvent pas oublier leurs péchés ! la seule chose qu`on pourrait éventuellement reprocher à Victor Hugo, c`est de voir dans cet œil de Dieu un œil vengeur. En effet, si nous ouvrons la Bible, nous y découvrons Jésus partant à la recherche de l`homme, courant après la brebis égarée qui a commis le mal. Cependant il ne le fait pas pour la condamner, pour la détruire, pour l`accabler mais pour lui pardonne. Et ce qui est encore plus étonnant c`est que Jésus dira : « Je donne ma vie pour mes brebis » Jean 10 :15.
C`est lui-même, Jésus, qui paiera le prix de nos péchés et de nos fautes : il paiera très cher en acceptant de mourir dans l`horribles souffrances, sur une croix à Golgotha. Et maintenant, le pardon et possible. Dieu peut dire, Dieu peut vous dire : « Je ne me souviendrai plus de vos péchés » (Ésaie 43 :25). « Je les ai jetés derrière moi » (Ésaie 38 :17). « Autant d`orient est éloigné de l`occident, autant j`éloigne de vous vos transgressions » (Psaume 103 :12). Celui qui s`est approché de Jésus et a reçu son pardon n`a plus besoin de se cacher ni d`essayer d`oublier ; il sait une chose : Dieu a pardonné. Nous pouvons le rencontrer et l`aimer parce qu`il nous a aimés le premier » (1 Jean 4 :19) .

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